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Randonnées dans la cordillère blanche autour de Huaráz

Huaráz, à 3091m, entre la cordillère blanche et la cordillère noire, est la capitale de la randonnée du Pérou. C’est l’endroit au monde qui rassemble le plus de sommets de 6000m, et le spectacle est impressionnant.

Randonnées d’acclimatation

Avant de faire des grosses randonnées (plus longes, plus haut), il est important de s’acclimater. Seul le temps permet de s’habituer à l’altitude et il est conseillé de faire minimum deux randonnées d’acclimatation sur une journée avant de faire des choses plus longues, difficiles et/ou plus hautes. On a entendu tout et n’importe quoi sur ce qu’il est possible de faire, voici une liste dont la progression est raisonnable (en altitude comme en difficulté). Certains peuvent être faits seuls, pour d’autre le plus simple c’est de passer par une agence. Le premier soir, le simple fait de dormir en altitude (à plus de 3000m) est éprouvant.

La plupart des randos se font dans un parc national qui nécessite un billet d’entrée : 10 soles la journée, ou 65 soles pour 20j. Si on dort dans un des parcs il faut avoir le billet à 65 soles, donc si on sait d’avance qu’on est là pour faire des randonnées plus longues (où l’on dort en tente), autant prendre le billet à 65 dès le départ.

Wilcacocha

Rando un peu difficile sur le plan de l’orientation, mais pour les transports c’est très facile à faire seul. Rue Hualcan, au croisement avec l’Avenida Antonio Raymandi se trouve le point de départ des collectivos qui partent vers le sud. Prendre les lignes E ou 10, se faire déposer à puento Santa Cruz. 1 soles par personne pour 15 minutes de trajet. Il n’y a pas de plan pour cette rando, il faut demander sa route régulièrement.

Après la traversée du pont, la rando commence sur une route. Rapidement, une flèche indique un chemin qui s’avère rapidement un peu raide. Il faut le suivre et non continuer sur la route, sinon, cela rallonge le trajet de prêt de 3h. Dans une rando de 2h, c’est un peu dommage.

En chemin, on traverse quelques villages, maisons et fermes éparses. On rencontre des paysans qui nous saluent avec un immense sourire, on coupe à travers des champs à côté des vaches, on double des moutons, un âne nous barre le trajet, on fait aboyer des chiens quand on se perd et qu’on arrive par inadvertance chez quelqu’un.

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Vue sur la vallée lors de la montée vers WIlcacocha

Après environ 2-3h de marche (selon si comme nous on perd le chemin ou non), on atteint la fameuse lagune. En la contournant, on atteint un superbe point de vue sur ce qui est considéré comme une des meilleures vues de la cordillère blanche.

pano devant la lagune wilacocha

Vue sur la cordillère blanche

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Nous étions les seuls randonneurs (on s’était levé tôt pour monter tant qu’il fait frais) et vers 11 h, quelques paysans font paître les moutons. Ceux qui mettent le plus de bazar, ce sont les canards, quelques uns se chamaillent pendant qu’un autre tente de battre des records d’apnée, bref, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en haut, on est au calme.

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Glacier Pastoruri

Le plus simple, c’est de passer par une agence, 35 soles par personne (~9€). C’est une randonnée populaire avec des départs tous les jours. Les agences se regroupent pour remplir des bus pour 25 avec des touristes et un guide. Certaines agences font payer 45 soles mais n’ont donc aucune valeur ajoutée par rapport à celles à 35, autant prendre les moins chères.

J’entends encore d’ici la belge de l’agence qui nous demande, sur le ton blasé des gens qui fréquentent des péruviens depuis trop longtemps « Vous parlez espagnol ? Non parce que la guide parle pas un mot d’anglais ». Puis ajoute, sur le même ton « Ha, et prévoyez des sandwich. Il y aura une pause déj vers 16h, mais c’est cher et c’est pas bon ».

En plus du glacier on est arrêté pour observer des « puya ».

Les puya raimondi

Une bien étrange rencontre.

Les puya raimondi sont des broméliacées, la famille des plantes dont le membre le plus connu est l’ananas. Il font partie de ces curiosités dont seule la nature a le secret. Ils vivent entre 40 et 100 ans, en passant par plusieurs étapes : jusqu’à dix ans ils sont hémisphériques, entre 10 et 30 ans ils prennent une forme sphériques, et après 40 ans, une inflorescence (une tige qui supporte les fleurs. Oui madame, voyager permet de se culturer) se met à pousser. Une fois leur taille finale atteinte, la partie sphérique mesure environ 4m de haut et l’inflorescence 7m supplémentaires.

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Les puya fleurissent seulement une fois dans leur vie, puis meurent environ 3 mois plus tard. Entretemps, ils libèrent plusieurs millions de graines. S’il y a assez peu de puya « matures », c’est car ils poussent seulement entre 3800 et 4500m dans les Andes péruviennes et dans une région de Bolivie. Seules quelques unes des graines réussit à trouver les conditions adéquates (humidité, substrat, pierres, matières organiques, etc) pour germer et pousser.

Le glacier Pastoruri

Le sentier qui mène au glacier a été nommé « chemin du réchauffement climatique », car on parcours le lieu où se trouvait le glacier. Il fond à vue d’œil, ou presque : en un an, il a reculé de 40m. Pour parcourir tout le chemin il faut faire 40mn de marche. Ca monte à peine, mais on est à 5000m et on le sent passer. Au niveau des jambes, pas de problème ! Mais au niveau du souffle, il faut marcher lentement et faire des pauses régulièrement pour ne pas s’essouffler.

Une fois arrivé au bout, quel spectacle !

Glacier pastoruri

Le glacier Pastoruri

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pano glacier pastoruri

Lagune 69

Pour le fonctionnement, c’est pareil que le glacier Pastoruri, le plus simple c’est de passer par une agence. Il y a des groupes de 25 à 35 soles/personne. C’est une des rando les plus populaires du secteur, presque tous les gens qui vont à Huaraz font cette randonnée. Par contre, il faut être un peu acclimaté pour en profiter sans trop se fatiguer. Enfin, ça reste physique et on a fini la journée complètement lessivée.

L’épreuve commence dès le réveil : le bus de l’agence vient nous chercher vers 5h30. Il y a environ 2h30 de trajet aller. Mais surtout, il y a plus de marche que pour le glacier Pastoruri. Le point de départ est à 3900m, à proximité des rives du lac Llanganuco et il faut marcher pendant environ 3H pour atteindre la lagune, située à 4600m. Au retour, on met environ 2H30 pour faire le trajet inverse.

Il y a notamment deux passages plutôt raides qui coupent court aux ambitions des plus pressés. Tout le monde a son petit truc pour faire passer la difficulté : ceux qui ont encore du souffle discutent, d’autres mettent de la musique, d’autres encore souffrent en silence, regardant leurs pieds comme des bagnards. Ce n’est pas la partie la plus marrante ! La plupart des gens font pas mal de pauses pour respirer, manger quelque chose de sucré ou boire.

Début de la rando vers la lagune 69

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pano cascade lagune 69

pano vallée yanapaccha

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On est arrivés au sommet !

pano lagune 69

Arrivé au sommet, la vue sur le lac d’eau du glacier est fantastique. Pas mal de gens ont plongé à l’eau… pour en ressortir immédiatement. J’ai voulu tenter, mais j’ai eu l’impression que j’allais perdre mes jambes alors que l’eau n’avait pas atteint les genoux.

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Churup

Facile à faire seul. Les collectivos partent de l’angle de l’Avenida Las Americas et de prolongation Augustin. Demander à se faire déposer à Llupa. De là, une heure de marche pour atteindre la ville de Pitec et le début de la randonnée, puis 2-3h de marche pour atteindre la lagune.
Il faut partir avant 7h le matin pour pouvoir rentrer, les derniers transports retour sont tôt vers 16h de LLupa. Des fois on peut se faire déposer à l’aller à Pitec, et au retour y trouver des combis également. 1h de transport, 10 soles/personne. On a pas fait celui là car on est allé dans la vallée derrière du Quilcayhuanca.

Mirador de Huaraz

A une heure de marche du centre on peut voir toute la ville. C’est paradoxalement un beau panorama alors que la ville n’est pas particulièrement belle.

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Vue sur la ville de Huaraz

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Tentatives de treks en haute montagne

En avril la saison n’a pas encore commencé. Certains sommets sont inaccessibles, notamment les 6000. La saison des pluies devrait être terminée mais ne l’est pas car el nino a commencé deux mois plus tard que prévu.
Le trek le plus connu est le trek de Santa Cruz, qui se fait sur 2 à 4 jours. Toutes les agences le proposent, à des prix qui vont de 300 soles (~80€) jusqu’à 240$ (~220€) tout compris. C’est une randonnée plutôt facile, avec une difficulté le second jour pour franchir un col à 4600m. Pour le reste, c’est soit plat soit en descente. Quasiment tous les gens qui viennent à Huaraz suffisamment longtemps font ce trajet, ce qui est pénible car cela truste le marché et qu’il est difficile de trouver des gens disponibles pour autre chose.

Les randonnées de haute montagne sont moins populaires, et la difficulté c’est donc de trouver un groupe pour réduire le prix. Un sommet comme le Vallunaraju, qui se grimpe en deux jours avec un guide coûte dans les 240$/j si on est seul, contre 120$/j si on est deux.

Trouver des agences compétentes et des gens prêts à partir a demandé un peu de boulot.

S’assurer de la compétence des agences a été le plus facile : après en avoir visité 15-20 (!), on avait une bonne vision de l’état du marché et on a vite su détecter ceux qui nous racontait n’importe quoi. C’est assez simple, les incompétents n’arrivent pas à masquer leur ignorance très longtemps. Par exemple, une agence proposait l’ascension du Mateo, à 5150m. Ce n’est pas une ascension difficile mais à ce genre d’altitudes, c’est loin d’être une marche anodine. Quand on leur demandé à quelle type d’assurance on devait souscrire, le gérant nous a demandé « qu’est ce que vous voulez qu’il arrive ? ». Merci, on a plus de questions, on va y réfléchir, au revoir.

Pour trouver un binôme (Laetitia n’était pas intéressée), nous avions fait plusieurs fois le tour des agences, envoyé une dizaine de mails, laissé des annonces un peu partout (bureau des guides, agences, panneaux d’information, forum du Lonely Planet et de Couchsurfing), à chaque fois avec le même message : »si vous avez des gens motivés pour une initiation à l’alpinisme voici mes coordonnées ». Le problème c’est que les péruviens qui gèrent les agences d’activité de montagne sont d’une nullité ahurissante pour l’organisation. Plusieurs fois, on a cru trouver un binôme, alors qu’en fait les agences n’avaient absolument rien de concret :
« ha oui, j’ai bien quelqu’un intéressé pour ce que vous cherchez et à vos dates »
« Cool, vous pouvez nous mettre en contact, ou organiser un rendez-vous pour en discuter ? »
« Ha heu non, on a pas pris ses coordonnées; mais il a dit qu’il revenait plus tard »
Et évidemment les gens ne reviennent jamais, car après avoir fait le tours des agences où ils entendent exactement le même dialogue sans que jamais personne ne puisse organiser quoi que ce soit, ils finissent par laisser tomber.

Malgré tout, j’avais trouvé un suisse intéressé pour un sommet. Le Yanapacha, 5460m. L’idée : camper à 4900m, passer 2j à apprendre diverses techniques alpines et des bases de sécurité, puis le dernier jour tenter de grimper le sommet. La voie normale est côté AD (assez difficile), il y a de la neige, peu de crevasses, un mur de glace à grimper… bref cela me semblait être l’endroit idéal pour apprendre pas mal de choses dans un cadre raisonnable difficile.

Cependant, mon binôme est tombé malade en rentrant de son trek sur le Santa Cruz, et il a préféré changer ses plans. S’il ne les avait pas changé, nous ne serions pas parti de toute façons, hors de question de grimper pour la première fois au dessus de 5000m sans que toute l’équipe ait une santé idéale.

J’ai fini par trouver un second groupe pour aller sur le Vallunaraju. Plus haut (5686m) mais pas de mur de glace à grimper. Le matin du départ, à 7h30 alors qu’on devait partir une heure plus tard, l’agence m’appelle. Parmi les 3 autres du groupe, l’un est malade : le groupe en question souhaite ne pas partir. Par contre, je peux partir seul en ajoutant 80$ aux 220 déjà réglés… Je n’ai jamais pu rencontrer les types concernés, je ne suis pas sûr qu’ils existent, ça puait beaucoup l’arnaque. On a récupéré ce qu’on avait payé et on est parti se balader dans la vallée du Quilcayhuanca

Quilcayhuanca, ou « Les bronzés font de la randonnée »

Faute de gros treks dans la neige et pas particulièrement motivés par le Santa Cruz, on s’est donc orientés sur la randonnée de la vallée de Quilcayhuanca. C’est une balade plutôt sur deux jours, la vallée est plutôt longue et il faut une bonne partie de la journée pour aller au fond. Il y a plusieurs manières de le faire. On peut faire une boucle en franchissant un col à 5100m et faire le retour via la vallée de Cojup, ou faire le retour en sens inverse; nous avons opté pour la seconde solution, d’autant plus que c’est supposément facile à faire seul.

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Début de la rando dans la vallée de Quilcayhuanca

On a donc pris un collectivo, les mêmes que pour le Churup. Il nous a déposé à l’entrée (demander la portada Quilcayhuanca au collectivo si ca vous branche). La porte est fermée depuis des lustres, mais il y a une échelle pour escalader la barrière. De là, on a marché 6 ou 7 heures dans la vallée, avec seulement des vaches, des moutons, des chevaux et des ânes. Un chouette balade, d’autant plus que comme toute notre semaine à Huaraz, il a fait super beau.

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Au début de cette section je disais que cette randonnée est supposément facile à faire seule. Supposément car comme on est des billes on a pas atteint l’objectif qui était un lac au fond de la vallée.

Pour notre défense, on avait une carte particulièrement peu loquace qui n’indiquait pas grand chose. Mais « un lac au fond de la vallée » ça parait pas trop compliqué à trouver. Ce que la carte n’indiquait pas, et qu’on a compris après, c’est qu’il y a un Y; on a pris la branche de droite, qu’on a monté pendant une heure à travers des buissons, clairement sans chemin. On s’est dit qu’on a du se planter, on a fait demi tour et essayé l’autre chemin, une moraine particulièrement vicieuse. Après une heure à manquer de se casser la figure à chaque pas ou presque, nous avions à peine avancé. Le col était encore loin, et la nuit approchant on a fini par rebrousser chemin. On a donc pas trouvé les lacs mais peu importe, on a dormi dans la vallée et c’était sympa.

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Sauf qu’à plus de 4500m d’altitude, ça caille sévèrement. La nuit, il fait autour de 0 dehors, entre 5 à 7° dans la tente et malgré toutes nos épaisseurs on a jamais atteint une température idéale. On avait pourtant des duvets 0° mais on nous a dit après coup que des -5 aurait fait la différence.

Et je vous parle même pas des 30 minutes qui ont été nécessaires pour faire bouillir de l’eau pour manger nos nouilles déshydratées. Vous pouvez voir ci dessous Laetitia implorant le dieu des nouilles de bien vouloir nous laisser aller au chaud rapidement.

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Le retour, enfin. En général, je trouve ça pénible car ça descend (donc on a pas la satisfaction d’accomplissement de l’effort physique) et qu’on voit des décors qu’on a déjà vu. Là, c’était différent ! Pour commencer, c’était plat, donc tout aussi fatiguant qu’à l’aller. Et puis pour ajouter un peu de variété, les vaches ont décidé de nous considérer comme hostiles. La veille, aucun problème, on a pu passer toute la journée à côté d’elles, parfois à quelques mètres seulement quand c’était nécessaires et jamais elles n’ont posé un regard sur nous. Mais là, plusieurs fois elles étaient menaçantes. On ne nous quittait pas du regard, et posait sur nous un œil inquiet ou agressif.

Au début on pensait qu’on se faisait des idées, mais notre intuition s’est rapidement confirmée. On s’est fait bloquer le passage d’un pont par l’une des vaches qui grattait du pied en nous regardant, l’air de dire « avancez encore d’un pas et je charge ». Plus tard, alors que nous étions clairement en train de contourner un petit groupe pour ne pas faire d’histoires, un taureau n’a pas arrêté de nous suivre du regard. Sans qu’on comprenne exactement pourquoi, il a fini par charger, apparemment pour défendre le petit dernier. Je ne sais pas si vous avez déjà pris la fuite face à une bestiole de plusieurs tonnes qui, si elle le veut, court plus vite que vous, dans un espace ouvert où il n’y a rien pour se planquer, tout en pourtant 10 kilos sur le dos, mais ce n’était pas le moment le plus drôle du weekend.

Par la suite, afin de rentrer sans des trous de cornes, on a dû mettre en place des stratégies d’évitement complexes dignes des plus grands plans de batailles militaires. De l’attente, des contournement, des feintes, etc. On s’est perdus et écorchés dans les broussailles pour être toujours par dessus les petites groupes, on s’est trempé les pieds pour éviter les ponts fréquentés par les futurs steak hachés… Sun Tzu pourrait être fier de nous.

Malgré tout c’était une chouette balade, et le coin de la cordillère blanche vaut vraiment le détour par sa variété de paysages.

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