Les bakchich de la frontière lao-cambodgienne

On risque de se souvenir un moment de notre passage à Pakse et du passage de la frontière terrestre vers le Cambodge !

On a passé une nuit à Pakse, une des villes les plus au sud du pays; c’est généralement le point de départ d’un road trip à moto dans le plateaux des Boloven (comme on l’a fait à Thakaek) ou vers le coin des 4000 îles. On a zappé ces deux endroits, mais nous avons utilisé le fait que cette ville est le point de départ le plus simple pour entrer au Cambodge.

La pire guesthouse

On ne recommandera pas le Kaesme Guesthouse, pourtant dans le Lonely Planet… au moins depuis l’édition 2012. En Asie, on a constaté plusieurs fois que des “bonnes” adresses à une époque deviennent effroyablement mauvaises quelques années après être rentré dans le LP. C’est une source considérable de venues de visiteurs. Les propriétaires augmentent alors les prix mais pas la qualité, et ne font que très peu d’entretien. Dans beaucoup de coins d’asie où les techniques de construction sont pas terribles, le lieu vieillit très mal, parfois au point d’être délabré (le terme n’est pas exagéré ici). Dans le cas présent, celle-ci a en une nuit pris la place de pire guesthouse à ce jour. Pourtant, certaines étaient carabinées.

On demande toujours à regarder les chambres, et on en a décliné une première où trônait sur le siège des toilettes une araignée grosse comme le poing. C’est pas ça qui était rédhibitoire mais ça n’a pas laissé une super première impression. L’autre chambre paraissait mieux, mais le siège des toilettes était cassé, il y avait de grosses toiles d’araignées au plafond de la salle de bain et de nombreuses traces de poussières sur les aérations. En temps normal on serait allé ailleurs, mais fatigués par la route, on s’est que pour quelques heures, ça suffirait. Après tout, le seul critère véritablement important, c’est la propreté. C’était pas fou fou mais le lit était propre et on met les pieds sur le sol de la salle de bain pour se doucher, pas le plafond, et il se trouve que le sol était d’un carrelage relativement neuf et propre.

Pendant la nuit, on a eu droit à une grande première : être réveillés vers 3h du matin par de petits bruits. Ca venait des les sacs plastiques de nourriture qu’on avait mis sur la table. Non, me dites pas que… Au début, on est pas trop sûr, peut-être qu’on a rêvé. On allume la lumière, il n’y a rien. On se rendort. Mais ça recommence plusieurs fois. Et vers 3h30, on a fini par voir la source des petits couinements discrets : on a un rat dans la chambre, au pied du lit ! Malgré la panique générale, on a réussi à la faire partir… il a longé un cable électrique (Un cable qui pend, hors d’une gaine, dans une chambre ? bienvenue au Laos !), et est allé se planquer dans une des larges fissures du plafond. Depuis 30minutes, il piochait dans un sac plastique qui contient des gateaux et du pain, qu’on a immédiatement jeté.

On a à notre tour réveillé le gérant, qui a été génial. Pas du tout parce que sa réaction a été utile. Au contraire, il est venu voir ce non-évènement. A moitié endormi, il a quand même réussi à balbutier quelquechose comme “oui, un rat, d’accord, et sinon… c’est tout ?”. Il ne savait pas trop quoi faire et si ça ne tenait qu’à lui il serait reparti se coucher en l’état, mais on était plutôt énervés et il a compris qu’on ne le laisserait pas partir sans une intervention quelconque. Il est allé chercher une petite boule de carton, pour tenter d’obstruer la planque du rat, cachée dans une fissure de plus d’un mètre. Plus inutile tu meurs, mais là c’est nous qui avons compris qu’on ne tirerait pas grand chose de plus de lui, et on l’a laissé dormir. On a quand même fini par réussir à se rendormir.

Transport pour aller a Cambodge

Pour passer du Laos au Cambodge par voie terreste, il n’y a pas trop le choix : il y a un seul poste frontière. Depuis Pakse ou les 4000 îles le plus simple c’est de passer par une agence, pour prendre un bus qui nous dépose de l’autre côté de la frontière, quelque part sur la route Pakse – Pnomh Penh. Il y a plein de possibilités, dans notre cas, c’était Stung Treng, mais on peut par exemple s’arrêter à Kratie, le long du Mékong. On recommande d’avoir un unique bus qui fasse tout le chemin (plutôt qu’un bus pakse-frontière puis un second frontière-quelquepart au cambodge), vous comprendrez pourquoi.

Les visas, passage au tiroir-caisse

Les visas, quand on voyage, c’est super pénible, ça prend du temps et ne sert à rien. Il faut souvent rassembler de nombreux documents, discuter avec des administrations kafkaïennes, espérer ne pas être refusé sans véritable raison, payer des sommes absurdes… On se demande franchement si ça a un véritable intérêt, autre que de faire payer aux voyageurs le poids de tensions entre les pays, et de leur pomper du pognon dans la foulée. Encore qu’avec un passeport européen, on est à pas les plus à plaindre.

Il faut au moins reconnaitre que le Cambodge n’est pas trop pénible en ce qui concerne les documents. Ils acceptent sans filtrer tout ce qui vient d’Europe : le tourisme, qui représentait la seconde industrie du pays et 20% de son PIB en 2010, est un secteur économique dont le pays ne peut plus se passer. Pour rentrer, il suffit donc de s’acquitter de 30$ pour obtenir un visa simple entrée de 30 jours. Enfin, avant les bakchich savamment organisés.

Arrivé au poste frontière avec 40 autres touristes, le n’importe quoi devient palpable assez rapidement. Le contrôleur du bus nous explique que le visa coûte 35$ (et non plus 30) auxquels il faudra jouter 4$ de frais (comment ça ?), et que si on veut, on peut lui filer notre passeport et 40$ et il se charge des formalités. Pour 1$ de commission, donc. On passe notre tour, ainsi que la moitié du bus, pour faire les choses nous même. A priori, on sait encore écrire notre et date de naissance sur un formulaire, on est pas des larves au point de payer quelqu’un pour ça.

Pour sortir du Laos, il faut faire tamponner son visa. Au poste frontière, la douane nous réclame 2$ par tête pour faire ça. Il n’y a aucune raison légitime et surtout légale pour accepter un truc pareil, c’est tout simplement du racket. Alors on a refusé, de même que tous ceux avec nous. On a essayé de discuter, puis de négocier, mais ça n’a abouti à rien.

On est resté environ 40 minutes au poste frontière laotien sans que rien ne se passe. Pendant ce temps là, le chauffeur nous pressait de payer car -soit disant- le bus nous attendait et devait partir. Et que si on se dépêchait pas, ils devraient partir sans nous. On ne lui a pas rappelé que ça deviendrait alors du vol de bagage, mais il était évident qu’il bluffait pour accélérer un processus inexorable qu’il doit croiser plusieurs fois par semaines.

Car de toutes façons, les voyageurs ne sont pas en position de négocier, et les douaniers le savent. Eux seuls peuvent tamponner notre passeport, et ni eux ni nous ne souhaitions bouger de notre position. Quand on a essayé de ne payer qu‘1$, ils ont refusé, abusant toujours d’une position de force démesurée par rapport à nous. Et tant que nous n’avons pas payé les deux dollars, il n’ont pas tamponné les passeports.

Il nous a fallu du temps pour baisser les bras et comprendre ça, mais on a fini par tous payer.

L’entrée au Cambodge n’est pas mieux. Avant toute démarche, il faut faire un test anti on sait pas trop quoi… que l’on paye 1$. Sur le web nous avions lu qu’on peut éviter de passer par ce poste de santé en ignorant le type, mais ici le responsable poursuivait tous ceux qui le faisaient et allait voir les douaniers pour leur interdire de faire les papiers.

Ce test est bidon. Il consiste en un coup de thermomètre laser. Youpi ! Soyez sans crainte, le pays est bien protégé de l’invasion microbienne. Et si on a un carnet de vaccination international, pas besoin de payer. Le type ne regarde pas le contenu du carnet, ne lit pas la fiche qu’on doit malgré tout remplir, nous file un document bidon à montrer aux douaniers et on avance vers l’étape finale : obtenir son visa.

Là encore, le prix du visa n’est pas celui indiqué dans les bureaux officiels (30$), mais nulle part il est écrit dans les bureaux de la douane que le prix est de 35$. Ca se fait à l’oral. On se fait ponctionner sans raison encore une fois 5$. Absolument impossible de discuter celui là, on a laissé tomber.

Et pour finir, il faut une photo d’identité. La encore, on se demande si on se fout pas de nous : elle n’est pas utilisée sur le visa. Par contre si on en a pas, c’est 1$ de plus pour en faire une à la douane.

On a finalement eu le document absurde et on a pu entrer.

Quand tout le monde a finalement obtenu son papier, le bus qui était si pressé de partir a finalement attendu 45 minutes supplémentaires, pour attendre de potentiels clients, dès fois que d’éventuels voyageurs piétons veuillent continuer la route en bus.

Bilan ?

Selon le niveau de fainéantise et de préparation, on paye entre 7 et 10$ supplémentaires (soit entre +25 et +30% du prix, mine de rien) pour obtenir le visa cambodgien. C’est pas vraiment le montant qui dérange tout le monde. C’est une question de principe : personne n’aime ni l’abus de pouvoir, ni voir des postes de pouvoir se comporter de manière criminelle. Et puis le mutisme politique fait rire jaune. La situation est connue depuis des années, les guides de voyages en parlent, mais les ambassades sont les complices silencieux d’une situation qu’elles tolèrent par leur inaction.

Comment un truc comme ça est possible ? C’est très simple. Les douaniers savent qu’ils ne seront jamais inquiétés pour ce comportement. C’est comme ça depuis plusieurs années, et les plaintes sont sans suite. A tel point qu’en fait, les douaniers vont jusqu’à payer leurs collègues pour être à ce poste. Dans des pays où les classes moyennes gagnent environ 100$ par mois (source: lonely planet laos 2012, et non, il n’y a pas d’erreur), se partager les bakchich permet de mettre une quantité considérable de beurre dans les épinard.

Et je vous parle même pas du type du bus qui fait son business par dessus tout ça…

2 thoughts on “Les bakchich de la frontière lao-cambodgienne

  1. Je vous rassure, j’ai eu les mêmes rats à Pakse et les mêmes problèmes à la frontière…

  2. C’est plus du beurre mais de la double crème qu’ils ont mit LOL. Et encore tu as des visa à des prix abordables. Au Moz le simple Visa touriste est à € 90. Que d’aventures, mais aussi de beaux coins découverts. Super !

Comments are closed.