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Le visa Russe

Il y a des moments stressants dans la vie, comme par exemple passer un oral ou faire un entretien d’embauche. Qui aurait pu croire que préparer un voyage puisse me mettre dans des états de stress comparables à ceux là ?

Dans certains pays, il faut un visa pour pouvoir entrer. C’est le cas de notre première étape, la Russie. Hé ben c’est pas son obtention qui va me réconcilier avec les démarches administratives…

Etapes préliminaires

Avant toutes choses, pour faire une demande de visa il faut tout d’abord avoir une lettre de recommandation, émise par une agence de voyage. Nous en avions déjà parlé dans un article précédent, nous sommes passés par RussieAutrement. Il est nécessaire d’indiquer les lieux, dates et hôtels, avec les factures des hôtels. Il faut donc connaitre son itinéraire et tout cela, de manière fixée. Pas très compatible avec un voyage improvisé comme on aurait aimé le faire. Cela nous a obligé à fixer notre itinéraire en Russie bien plus qu’on l’aurait voulu, à prendre tous les billets de train à l’avance, à faire des réservations. Pour la spontanéité, on se rattrapera dans les autres pays…

Il faut ensuite prendre rendez vous pour aller au centre de dépôt de visa. Le site web est buggué, et à plusieurs reprises nous n’avons trouvé aucun créneau avant plusieurs mois. Au centre, ils ne décrochent pas le téléphone, même quand j’ai laissé sonner 5 minutes. Je me suis rendu compte par la suite que c’est parce que c’est le chaos à l’accueil du centre de visas, et que la fille de l’accueil fait le boulot de deux personnes.
Par chance, on a réussi à obtenir un rendez-vous via le site web un jour où il a décidé de ne pas bugguer. Dans l’euphorie, on s’est planté de date et ça a été d’une complexité infinie pour en obtenir une autre.

Pour déposer la demande, il faut remplir un formulaire en ligne, qu’il faut imprimer en couleurs. Allez comprendre : c’est un formulaire administratif qui sera au mieux lu en diagonales avant d’aller moisir dans des archives, et qui est de toute façons rentré dans une base de données.

Il faut également une photo d’identité, de très exactement 3.5cm par 4.5cm. C’est heureusement les mêmes dimensions que celles des pièces administratives françaises. Les photos doivent dater de moins de 6 mois. On a voulu gruger et ressortir celles qu’on a faites pour notre visa précédent un an plus tôt, avant de se raviser : on a eu des retours de gens qui se sont faits recalés après qu’un type un peu zélé ai fait le tour des pages du passeport en comparant les dates et les photos. Pour 5€, on a joué la sécurité.
Ce n’est pas tout. Il faut également lire entre les lignes des règles concernant la photo : sur la photo, il ne faut pas avoir de lunettes opaques. On a eu du nez et on a enlevé les lunettes. On a bien fait : j’ai vu une femme se voir refuser sa demande car elle portait des lunettes de vues tout ce qu’il y a de plus classiques. Par « pas de lunettes opaques », il fallait donc lire « pas de lunettes de tout ».

Premier essai

Une fois équipé de tous les documents, on attend donc quelques semaines, et on arrive au rendez vous pour la demande au centre de demande de visas.

Là, on est tout de suite plongé dans le non sens. Il faut prendre rendez vous mais on peut venir sans rendez vous. Un écran indique des ordres de passages. Pourtant… on ne m’a jamais donné de numéro. C’est l’agent de sécurité, qui en plus de fouiller les sacs, assigne les gens aux différents guichets auxquels ils doivent passer. il file à tout le monde des numéros sur des bouts de plastique, et suit dans sa tête que c’est au numéro 21 de passer au guichet 7. L’accueil est débordée. Sans donner d’explications, on me demande d’éteindre mon téléphone portable. Si c’est pour éviter le bruit, c’est raté : le lieu, qui fait dans les 5 mètres de large sur 15 de profondeur, est très bruyant.

Je me sens mal à l’aise, comme tout le monde, j’ai l’impression. Personne ne parle, un peu comme si on se sentait coupable d’un truc qu’on avait pas fait et que tout ce qu’on pourrait dire pourrait être retenu contre nous.

Dans le silence, j’observe. On parle russe partout autour de moi. Les femmes sont grandes et fines, les mecs sont costauds, ils ont visages durs. C’est très cliché.

Vient mon tour. En quelques secondes à peine, mon sort est scellé. Le visage sans émotion, la guichetière a le regard vide et amorphe des gens intoxiqués par trop d’années dans l’administration. « Ca ne va pas être possible, il va falloir imprimer un autre formulaire de demande. » J’imagine qu’on a fait une grosse bourde. « Il faut signer avec un stylo noir, et pas un stylo bleu ». Pardon ? C’est pour une caméra cachée c’est ça ?
Pas moyen de négocier évidemment. Elle fait malgré tout le tour des documents. « ha, et l’attestation d’assurance, il faut qu’elle précise que c’est valable en Russie ». « Mais … regardez, ya pourtant marqué que c’est valable dans le monde entier… » « Il faut qu’il y ait marqué valable pour la russie ». Autant discuter avec une porte.
De toutes façons, on avait imprimé le fichier PDF d’attestation envoyé par l’agence par mail alors qu’il faut un papier original avec un vrai tampon lui même original, autant dire que c’était foutu bien avant que je franchisse la porte.

Avant de partir, je négocie une demande de rendez vous quelques jours plus tard, c’est bien plus rapide que par Internet.

Second essai

Les deux jours entre les demandes m’ont permis d’aller récupérer un original de l’attestation d’assurance dans les règles. Je me repointe donc. En quelques secondes, mon estomac se noue. Il y a vraiment beaucoup de monde qui fait la queue.

A l’accueil, une fille se fait emmerder par la guichetière car elle fait le même itinéraire que nous, qu’elle a vraiment tous les papiers mais qu’une des villes « peut poser problème pour une demande de visa », sans donner d’explications. J’essaie de ne pas trop penser au fait qu’on passe nous aussi par Irkoutsk… A côté de moi, une de mes voisines me dit qu’elle organise un voyage associatif tous les ans, et qu’elle ne sait jamais si elle va réussir à faire passer ses demandes : les règles changent tous les ans. Une autre relativise : le visa américain est quand même bien plus compliqué, avec ses 10 pages de questions. Selon elle, s’ils rendent les demandes de visa compliquées, c’est parce que le visa français est difficile à obtenir pour les russes.

Au guichet, un type est excédé. C’est le troisième jour de suite qu’il vient et il sa signé son formulaire avec un stylo bleu (quel amateur !). Il dit qu’il ne partira pas. Le mec du guichet arrête de sourire, prend un air sombre et lui explique d’un air convaincu que les règles sont très précises et que c’est pas le moment d’en débattre.

C’est mon tour. Je donne tous les documents. « Vous avez une photocopie couleur des passeports ? ». Hé merde… je crois que j’ai gagné un aller retour, mais heureusement, elle fait la photocopie pour moi. Je règle la facture un peu sur un nuage.

Quelques secondes plus tard, je sors, victorieux. Dans l’ascenseur, les visages se décrispent, les gens se mettent à nouveaux à sourire. J’ai la banane, l’estomac qui se dénoue, et l’impression d’avoir gagné une épreuve olympique ou d’avoir posé une navette sur la lune.

On va pouvoir aller à notre première étape !