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A la découverte des statues géantes de l’Île de Paques

L’île de Paques fait partie de ces lieux magiques où on avait bien du mal à s’imaginer qu’on irait un jour.

Si vous n’avez pas eu votre quota de caillou à la fin de cet article, d’autres photos sont sur Flickr

Située à 3700 km du chili, l’île de Paques (également appelée Rapa Nui) est un des trois sommets de l’océanie : les deux autres sont la nouvelle-zélande et hawaï. Comme l’île habitée la plus proche est à 2000km, ici, on est au milieu de nulle part, entouré par l’océan pacifique dans toutes les directions. Et pourtant, 5000 habitants vivent une vie un peu coupée du monde.

Au milieu de nulle part

L’île est ravitaillée en bateau 4 fois par an : on ne trouve dans les magasins que l’indispensable ou presque, et tout est cher. C’est pourquoi la plupart des maisons ont des toits en tôles : il est difficile de faire venir de grandes quantités de tuiles. Au niveau nourriture, c’est pareil : tout le monde vient avec ses provisions pour faire à manger. On nous a même suggéré d’acheter des bouteilles de vins sur le continent pour les troquer sur l’île !

On a retrouvé sur place Pauline et Eric, deux francais rencontrés à Punta Arenas… 40h de bus nous avaient laissé le temps de faire connaissance. Ils ont pris une année pour faire un tour des amériques.
Ils étaient arrivés un poil avant nous, et connaissaient tout l’île. Même si on a vite fait le tour des 3 rues de la ville, leurs conseils nous ont fait gagner plein de temps pour les visites !

Ils sont également eu la bonne idée de nous proposer de louer un 4×4 pour se balader dans l’île. Rapa Nui a beau ne pas être très grande, sans un véritable moyen de locomotion aller aux sites les plus reculés peut vite être compliqué. Avec un 4×4 on a pu voir vraiment énormément de choses, c’était une très bonne idée à laquelle nous n’avions pas pensé, c’était plus confortable que le vélo (climat tropical = grosses chaleurs) et plus sympa que le scooter. Compter ~40 à 45000 pesos les 24h et on a mis ~10000 peso d’essence pour refaire le plein.

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obstacle pas banal

Un autre jour, on s’est baladés en scooter, c’était sympa aussi… jusqu’à ce qu’on se prenne une pluie tropicale qui nous a trempé comme des soupes. Nous étions de l’autre côté de l’île, nous avions esquivé une première salve… mais la seconde nous a fait passer 20mn sous la pluie, pendant qu’on rentrait dare-dare.

Ha, et même au milieu du pacifique on trouve ces $%*µ§! de cafards.

Histoire de l’île

L’île est triangulaire à cause de l’explosion de trois volcans, Poike, Ranu Kau et Terevaka il y a respectivement 3 millions d’année, 1 million d’année et 300 000 ans. C’est aussi comme ça que se sont formés de nombreux atolls et iles volcaniques de Polynésie !

On suppose qu’elle a ensuite été colonisée entre l’an 800 et 1200 par des polynésiens, qui sont probablement partis des îles Tonga et Samoa. Il y a beaucoup de suppositions dans cet article car il y a énormément de choses pour lesquelles le savoir s’est perdu et la recherche ne permet pas d’avoir de certitudes.

La civilisation Rapa Nui a connu son âge d’or entre 1200 et vers le XVIIème, ce fut la période de culte des anciens et des mégalithes, les grandes statues Moai. Puis courant XVIIème jusqu’à l’arrivée des missionaires catholiques en 1864, il y eut une période de conflit au sein de la population. C’est dû au changement de culte dominant, en faveur du culte de l’homme oiseau, qui a eu des conséquences aussi bien sur le plan politique que religieux car les deux étaient intimement liés. Les deux cultes (culte des anciens via les statues Moai et culte de l’homme oiseau) sont donc différents, mais pas complètement différents. On pense que le culte de l’homme oiseau a ses racines chez les anciens et qu’il a progressivement pris de l’importance. Ce changement religieux a été source de nombreux conflits entre les différentes tribus. Les gagnants renversaient les statues des perdants, c’est la raison pour laquelle les explorateurs ont tout d’abord vu certaines statues debout, puis à terre.

Avec l’arrivée des péruviens vers 1860, la population de l’île a été éradiquée. Ceux qui ne sont pas morts de la variole apportée par les marins ont été réduits en esclavage pour travailler dans des mines de guano. Seule une centaine de personnes a survécu.

Le XXème siècle n’a pas été un cadeau non plus. Après que l’île soit devenue chilienne en 1888, on parque les Rapa Nui dans Hanga Roa, et dans le reste de l’île une compagnie anglaise élève des moutons. Ce n’est que depuis 1966 que les habitants ont le droit de vivre hors de la réserve, lorsque l’île entière devient territoire de droit commun.

L’organisation sociale de l’île aussi mérite un commentaire. Dès l’installation des colons polynésiens sur Rapa Nui, il y a eu des tribus. Elles étaient probablement dirigées par les fils du chef qui s’est lancé sur les mers. Au XVIIème siècle, il y avait une dizaine de tribus avec à l’ouest de l’île les tribus de rang élevé et à l’est celles de rang social moindre. Les tribus étaient elles-même découpées en clans, des groupes de familles, dirigés par le plus vieil homme capable de remonter à l’un des fils.

La société étaient découpé en rang différents. Un roi avait le rôle de leader politique et spirituel. Des aristocrates géraient les ressources car ils étaient porteur du mana, la force vitale. Des règles très strictes liées à la religion indiquaient, chaque année, à partir de quand il était possible de manger tels fruits ou tels poissons. Comme l’île fait une dizaine de kilomètres de coté, on comprend facilement que les ressources étaient en quantité limité et que sans des restrictions de ce type, la population aurait pu disparaitre faute de ressources.

Les lieux principaux

Qu’on ne s’y trompe pas : on vient sur l’île pour voir les fameuses statues de Moai. Elles sont toutes différentes mais elles se ressemblent beaucoup, alors on voit le même type de choses plein de fois, et partout sur l’île. Difficile d’être déçu : il y en a environ 800 statues. Certaines sont en parfait état, d’autres sont abandonnées, d’autres encore sont cassées, il y en a qui sont renversées, pour d’autres encore l’érosion a limé les nombreux détails… et malgré tout, on ne s’en lasse pas et il reste de très belles statues.

La célébrité du lieu est en partie dûe au fait que les statues sont très impressionnantes. Les premiers explorateurs croyaient que seule la tête était sculptée, mais vers 1910 on s’est rendu compte que sous la terre, les 2/3 supplémentaires du corps étaient enfouis… au final, les statues mesurent en général entre 10 et 15m de haut. On se sent vraiment minuscule à côté d’elles, même quand, selon les critères du coin, les statues sont petites.

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Une des autres raisons pour laquelle le lieu est célèbre, c’est son mystère : les chercheurs se posent plein de questions sur comment et pourquoi on a pu tailler de telles statues, et comment on a réussi à les déplacer. Le fait que la civilisation ait été décimée a fait disparaitre la majeure partie du savoir et des traditions. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles les archéologues n’arrivent pour le moment pas à conclure concernant l’île.

Hanga Roa

En arrivant sur l’île via l’unique aéroport de l’île desservi une à deux fois par jour, on est accueilli avec des colliers à fleur avant de se rendre à son hotel dans l’unique ville de l’île : Hanga Roa.

Avec 5000 habitants, vaut mieux pas être en froid avec la mairie… On a vite fait le tour de ses 3 rues (ou presque), et nous avon été surpris de voir un grand terrain de foot et pas moins de 8 équipes ! Parmi les sports pratiqués dans l’île, il y a donc le foot, le surf et… pendant la fête du Tapati, en février, on peut ajouter la descente de colline sur tronc de bananier. Oui, pour de vrai.

Voir le lever du soleil sur 15 statues

Un des endroits les mieux rénovés pour voir des statues Moai s’appelle l' »Ahu Tongariki ». Il contient 15 statues dos à la mer. C’est comme ça qu’étaient érigées la plupart des statues. Elles avaient pour but de s’interposer entre l’île et la mer afin de protéger les habitants.

Les quinze statues en question ont été balayées par un tsunami et ont roulé à plusieurs kilomètres, mais on a pu les remettre à leur place.

Se lever pour voir le lever du soleil sur ces statues valait le coup !

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les 7 statues

Un autre endroit célèbre, c’est l’Ahu Akivi.

C’est le seul endroit où les statues, au nombre de sept, font face à la mer. Une grande partie du folklore est lié au culte des anciens, et ici, il est question des tous premiers visiteurs. Les locaux, encore aujourd’hui, sont fiers d’être issus du même ancêtre. L’ancêtre en question, le premier chef qui a colonisé l’île, avait envoyé ses 7 fils en reconnaissance sur les mers. Quand il est arrivé sur l’île les habitants ont construit ces 7 statues en leur hommage.

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panoramique de l'ahu des 7

Tailler les corps

Un des plus beaux endroits pour voir des statues, c’est la carrière où elles étaient taillées, sur les flancs du volcan éteint Rano Raraku. Aujourd’hui, c’est enquelque sorte un sanctuaire où se trouvent de nombreuses statues abandonnées, ratées, cassées ou pas terminées. Sur les 887 statues recensées dans l’île, 397 sont à Rano Ranaku. Moins d’un tiers arrivaient sur les ahu, au bord de la mer. On ne sait pas trop pour quelle raison il y en a autant à la carrière, mais il est possible que ce soit dû à des difficultés à déplacer certaines statues, à la mauvaise qualité de certains résultats, au manque de ressource pour finir les statues ou bien encore à une présence volontaire dans la carrière.

panorama de la carrière où on taillait les moai

Il est impossible de dater les statues. On peut connaitre l’âge des pierres mais pas celui où elles ont été taillés. On taillait les statues allongées, et ensuite on emmenait les statues partout dans l’île. Comment ? La encore, mystère ! Parmi les théories de certains archéologues, il est possible que ce soit :

  • en la faisant rouler sur des rondins (en bois ? en pierre ?)
  • en les faisant marcher par balancier. Ce serait possible avec des jeux de corde grâce au centre de gravité bas des statues. La tradition orale parle de statues qui marche et des chercheurs ont réussi à faire fonctionner ce mouvement de balancier.

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Taille les coiffes

On pense que toutes les statues avaient une coiffe. Dans la carrière de Puna Pau, On les taillait dans des blocs de plusieurs tonnes (10 à 12 en moyenne). Il fallait ensuite les faire rouler à travers l’île sur plusieurs kilomètres, puis faire monter les coiffes en équilibre sur la tête. Comment ils faisaient pour faire monter blocs de plusieurs tonnes sur des statues de plusieurs mètres de haut ? La encore, il est difficile de conclure… et on se demande bien combien d’hommes sont morts de « chute de cheveux » !

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La carrière où on taillait les coiffes

Ce sont ces coiffes qui ont fait douter les chercheurs au sujet de l’origine du peuple. Aujourd’hui on penche pour des polynésiens car de nombreux éléments étayent cette thèse (dieux similaires, rites comparables, etc.). Mais la forme des coiffes rappelaient certaines tenues péruviennes et on a supposé un peuplement péruvien, car cela pouvait correspondre avec une migration péruvienne qui a eu lieu, lorsqu’un prêtre a affrété des embarcations et s’est aventuré sur les mers pour conquérir d’autres territoires.

Volcan Orongo et culte de l’homme oiseau

Clairement, l’île est complètement dingue, chargée d’une histoire très particulière, d’un fonctionnement très particulier. Les statues moais sont les restes de l’ancestral culte des anciens et on a bien du mal à mesurer la difficulté que ça a pu être de construire et déplacer autant de statues. Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises !

Le volcan Orongo est au sud-est de l’île, à environ 2h de marche d’Hanga Roa (encore merci à Pauline et Eric de nous avoir suggéré de faire du stop). C’est un volcan éteint dont le cratère fait 1.6km de diamètre et 300m de profondeur. Dedans, de petits écosystèmes d’eau douce se développent à l’abri de l’océan et des prédateurs de l’île. La vue est à couper le souffle. En continuant à marcher, on arrive sur les restes du village où avaient lieu la cérémonie de l’homme-oiseau.

panoramique du volcan orongo

Il faut savoir que l’île était divisée en de nombreux clans, et que comme nous l’avons vu le culte dominant a longtemps été celui des Moai, les statues érigées en l’honneur des anciens. Vers le XVIème siècle est apparu le culte de Make-Make, un dieu représenté par un masque. La société a petit-à-petit quitté le culte du mégalithe pour se concentrer sur ce nouveau culte, qui créait un ordre aussi bien religieux que politique.

Avec le culte de Make-make, les prêtres ont construit un village religieux au bord du volcan, presque à flanc de falaise. C’est un endroit ouvert au vent donc il ont construit des maisons en pierre plutôt qu’en paille, comme c’était le cas ailleurs dans l’île.
Tous les ans, les chefs de clans ou leurs représentants traversaient l’île pour s’y rendre et participer une compétition pour obtenir le premier oeuf d’un oiseau bien particulier. Pendant ce temps là, les prêtres étaient dans le « village olympique » et faisaient des cérémonies, la localisation très particulière du lieu contribuant à pousser à se dépasser et ajoutant à la symbolique de la compétition.
L’oiseau marin migrateur concerné est une sterne (sooty tern, sterna fuscata en latin). L’oiseau vient pondre ses oeufs au printemps, sur une île en face du volcan. Les participants descendaient le volcan (vu la pente, on se demande bien comment !), nager 1.4km dans l’océan (admettons) puis escaladaient les falaises raides de l’île en question pour chercher les oeufs de l’oiseau tant convoité. Et puis il fallait faire le chemin retour, sans casser l’oeuf, et en escaladant la falaise du volcan. Ce quête durait plusieurs jours, voire plusieurs semaines ! Tous les ans il y avait de nombreux morts. Le gagnant obtenait un titre sacré, et devenait le chef de l’île, ce qui lui valait le droit de vivre reclus pendant un an. Ca peut sembler préhistorique comme mode de fonctionnement, mais la dernière compétition s’est tenu en 1867, il y a à peine siècle et demi !

Les plages

Il y a quelques petites plage à Hanga Roa et des petites criques un peu partout. La plupart des plages de l’île sont minuscules (moins de 20m de large), alors le must, c’est quand même la palge d’Anakena ! Celle ci fait 100 ou 200m, et il y a la totale : sable fin, cocotiers, des vagues…
Evidemment tout le monde est entassé, mais quel plaisir de se baigner au milieu du pacifique !

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C’est d’ailleurs là qu’on trouve les statues dans le meilleur état de conservation. La plupart des statues ont subi le travail de l’érosion, qui a lissé la pierre et fait disparaître de nombreux détails. Celles ci sont tombées, mais dans le sable. Le sable a amorti la chute et elles ne sont pas cassées, et en plus, en s’accumulant, il a permis de protéger les statues de l’érosion.

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