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Le transsibérien

La Russie en août, ce n’est pas la destination qui fait rêver grand monde au premier abord. Ce qui nous attirait particulièrement, c’était la possibilité de prendre le transsibérien, un train qui traverse la Russie d’un bout à l’autre. Comme notre route nous amènera finalement en Mongolie, nous avons opté pour une de ses branches, le transmongolien. Il va nous permettre d’aller de Saint-Pétersbourg à Oulan Bator en trois étapes :

  • Saint-Pétersbourg – Iekaterinbourg. Départ à 13h55 et arrivée à 2h du matin… 36h plus tard, et environ 2400 km plus loin, et 2 fuseaux horaires vers l’est.
  • Iekaterinbourg – Irkutsk. 3400km et 48h de trajet. départ à 17h et arrivée à 21h, mais 4 fuseaux horaires plus loin.
  • Irkutsk – Ulan bator. Départ à 22h et arrivée 6h du matin. 1100km, une trentaine d’heure et deux nuits dans le train.

On a perdu le compte exact des kilomètres, mais de Saint-Pétersbourg jusqu’en Mongolie ça fait entre 6 et 7000 kilomètres. Je parlerais du dernier tronçon vers la Mongolie dans un prochain article. La galerie de photos est sur flickr.

Nous avons fait la première étape en seconde classe, et la seconde en 3ème. Si vous voulez en avoir plus sur ce train mythique, un passionné en parle (en anglais) sur son site Seat61.

Premier tronçon : Saint-Pétersbourg – Iekaterinbourg

On a entamé le transsibérien par 36h de trajet, histoire de se mettre en jambes avant une plus grosse étape.

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Dans chaque wagon, des podvonitsa s’occupe de voir que tout fonctionne bien. Elles vérifient les billets, placent les gens, distribuent les draps, réveillent les voyageurs arrivés à destination. La seconde classe est sommaire mais confortable : il y a 4 sièges-lits et une table par chambre, et il y a 6 chambres comme ça dans chaque wagon. Il y a beaucoup de personnel dans ce premier wagon : 2 podvonitsa et un technicien, alors que nous sommes seulement 4 passagers au départ !

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On s’est offert le luxe de manger au wagon restaurant (en comparaison du prix des courses qu’on avait faites avant de partir). Hé bien le blanc de poulet aux champignons avec des frites, ça a beau être un plat très modeste, mais quand on est dans un train pareil et que le soleil se couche à l’horizon, ça a une saveur particulière.

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Seuls dans notre petite cabine, nous avons été tranquilles pendant une bonne partie du trajet. Le train passe par Moscou, et c’est là qu’il s’est vraiment rempli. Nous avons été réveillé quand on s’y est arrêté, vers 23h (oui, on s’est couchés tôt) par deux voisins. L’un d’entre eux était déjà descendu quand nous nous sommes réveillés, le lendemain matin : il est courant ici de profiter des trains de nuit pour se déplacer sur des grandes distances.

Nous n’avons pas réussi à discuter avec notre voisin restant, qui a lu pendant tout le trajet, et qui a refusé d’un « non » définitif la nourriture qu’on proposait de partage avec lui. Les autres voyageurs de notre wagon, quand à eux, semblaient plus occupés à parler entre eux. Tant pis, on s’est bien amusés quand même et malgré la durée, on ne s’est pas ennuyés.

A certains arrêts, on a un peu de temps et on peut descendre se dégourdir les jambes. C’est aussi l’occasion d’acheter à manger aux vendeurs, ambulants ou non, qu’on trouve sur le quai. Pendant ce temps, le personnel du train jette les déchets, refais le plein d’eau, change les draps, etc.

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Comme on déchiffre le cyrillique comme un enfant qui apprend à lire, ça amène à des situations marrantes.
« Oh, regarde ! Une gare. C’est celle de Té… Toua… »
« Heu, c’est pas le nom de la gare, c’est le batiment des toilettes »

Iekaterinbourg

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On est descend à Yekaterinbourg pour faire un break dans le train, et ne pas aller à Irkutsk d’une traite. Cela nous aurait fait faire 80h de train d’un coup, on s’est dit que c’était peut être pas une bonne idée; ca nous a en outre permis de découvrir cette ville, au bord de l’Oural.

Ca y est! Nous avons changé de continent et nous sommes passé de l’Europe à l’Asie.

On a été hébergé par Kirill, qui a été d’une gentillesse incroyable. On est arrivés à 6h30 le matin. On était crevé et on ne savait presque rien de ce qu’il y avait à voir.  « Pas de problème, voici un lit, vous restez vous reposer autant que vous voulez; voici aussi un bouquin sur la ville, avec un itinéraire de balade. Vous pouvez le prendre avec vous, vous me le rendrez demain ». Ca nous a laissés un peu ahuris. Le lendemain, il a même trouvé moyen de se libérer pour se promener avec nous et nous parler de la ville et du pays. Ainsi, telle tour en délabrement dont la construction a débutée avant la fin de l’URSS n’a pas pu être continuée par manque d’argent, elle reste donc en l’état, ni terminée ni démantelée. Kirill nous raconte aussi comment les fonctionnaires n’ont pas reçu de salaire pendant quelques années lors de la chute de l’URSS. Ceux qui ont pu trouver un autre travail l’on fait, d’autres sont restés à leur poste sans être payés. Avec la fin de l’URSS les Russes ont aussi perdus l’école et la soins gratuits.

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Cette ville est bien moins jolie que Saint Pétersbourg, elle s’est construite notamment parce qu’elle fait transiter les ressources entre l’Asie et l’Europe. On voit nettement la trace de l’URSS dans de nombreux batiments : lors de la chute du régime, l’état n’a plus eu les moyens de tout entretenir et un très grand nombre de batiments et d’infrastructure ont été laissées à l’abandon.

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La ville est cependant en effervescence : on se prépare activement à fêter son anniversaire, la semaine suivante. On croise une répétition de l’armée, des scènes de concerts sont en train d’être montées, et partout les jardiniers tentent de rattraper des parterres qui semblent n’avoir pas été entretenus le reste de l’année.

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Second tronçon : Jusqu’à Irkoutsk

Nous avons repris le train pour un second tronçon de 48h, 2 jours et 2 nuits, en 3ème classe. C’est ce que tout le monde décrit comme étant la « vraie » expérience du transsibérien. Il fallait qu’on teste ! Accessoirement, le billet était 100£ moins cher qu’en seconde classe : pour le même prix, nous pourrons aller presque jusqu’à Beijing.

La 3ème classe est plus spartiate que la seconde. Il y a 40 lits par wagon, et certains des lits sont installés dans le couloir. Pas de chambre séparées, tout le monde est avec tout le monde. Après une nuit, ça sent le fauve. Et certains ont 7j de trajet pour rallier Vladivostock depuis Moscou, et atteindre ainsi l’extrème Est du pays…

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Il y a deux toilettes. Bien que nous ayions demandé à en être éloignés, nous étions assis à côté. Ca nous a valu des bruits de chasse d’eau et du passage pendant tout le trajet. Les podvonitsa les lave régulièrement, mais ils puent malgré tout. C’est aux toilettes que se trouvent la seule prise du wagon. Tout le monde veut y recharger son smartphone, et guette pour s’emparer de la prise quand elle se libère. C’est aussi dans les lavabos des toilettes qu’on se lave les dents ou qu’on fait sa vaisselle.

Et pourtant… ben ce voyage fût très sympa. La vie s’organise : on fait son lit, on accueille les gens, on échange quelques mots avec ses compagnons temporaire de route. On lit, on regarde le paysage.

Prendre ce train est profondément apaisant. Il n’y a rien d’autre à faire que se laisser transporter. Le temps qui passe devient une unité de mesure de la distance qui nous sépare de l’arrivée. Malgré les distances, le train est très ponctuel : chaque arrivée en gare se fait à l’heure exacte à laquelle elle est prévue.

On mange. A tous les repas ou presque, c’est des nouilles. C’est pas très bon mais c’est pratique à transporter et conserver. Grâce au samovar, on peut les faire cuire dans de l’eau chaude. Des fruits et des légumes, aussi. De toutes façons, comme on dépense peu d’énergie, on a pas besoin de beaucoup manger. Ca n’empêche pas tout le monde d’emmener avec soi 4 fois la quantité de nouilles, gateaux, fruits, boissons nécessaire. C’est convivial, il y a de la bouffe partout, et j’ai l’impression que certains de nos voisins ont mangé en continu pendant des heures.

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On dort, aussi. Ce qui est marrant, c’est personne n’est sur le même rythme; nous sommes montés dans le train avec notre horloge biologique réglée sur l’heure de Iékaterinbourg, à 17h. A Moscou, l’heure de référence dans tout le pays, il était 15h, et à notre destination, au même moment, il était 19h. Du fait des différents horaires, personne ne fait les choses en même temps.

A Novosibirsk , on accueille de nouveaux voisins. Quand ils sont montés ils se sont tout de suite mis à l’aise. Tout le monde fait ça : on range le jean et le chemisier serré, tout le monde va se changer aux toilettes et revient en sandales et survêtement ! Après tout, il y a pas mal de route à faire alors autant que ce soit confortable… Eux baragouïnent un peu anglais, et on arrive à discuter un peu. Elle est instit’ en maternelle, lui est prof de musique. Ils rentrent chez eux, après être allé voir leur fils qui vient d’avoir un enfant. A mon réveil, le second jour, ils sont partis.

Alors que j’émerge, Laetitia me dit qu’elle a fait la connaissance d’un petit groupe de joyeux drilles en allant chercher de l’eau chaude pour le thé. Ils ne parlent pas beaucoup anglais, mais on se comprend quand même, en mélangeant de l’anglais très simple, un allemand un peu rouillé, des dessins sur des mouchoirs en papier, et des grands gestes. Elle a réussi à refuser un verre de vodka, mais n’a pas pu refuser ce qu’elle croit être un jus de cranberry/cerises. Il s’avère que c’est plutôt un alcool maison… A leur surprise, j’accepte la vodka. C’est pas tous les jours qu’on se fait offrir des coups dans un train ! Ce que je n’avais pas anticipé, c’est qu’ils étaient tellement contents qu’ils se sont resservis après. Et encore après. La seule chose qui m’a sauvé d’une ébriété aussi intense que certaine, c’est que je suis arrivé alors que la bouteille était déjà bien entamé. Au troisième verre alors qu’il n’était pas encore 11h, la bouteille était, selon leurs propres termes, kapout.
On prend le petit dej avec eux. C’en était génant tellement ils ont été gentils avec nous. Ils nous ont offert tout ce qu’ils avaient sur la table, et impossible de refuser quoi que ce soit. Au menu, du poulet aux épices, les pirogi d’une des copines, et des fruits du jardin. Eux continuaient jusqu’en Alaska, ils allaient y travailler quelques mois avant de rentrer. A un moment, on a voulu leur filer des gateaux. J’ai failli me faire insulter pour avoir osé leur offrir quelque chose ! Non seulement je suis revenu à mon siège avec les gateaux, mais j’ai failli devoir embarquer des pirogi en punition. En partant, on a quand même réussi à leur laisser quelques fruits. Bref, on s’est bien marrés.

A l’arrivée, c’était un peu la panique. Avec ces histoires de décalage horaire, on s’était perdu dans le temps -rien que ça !- et on s’est rendu compte un peu par hasard qu’on devait descendre quelques minutes plus tard. Du coup, ça a été la course pour ranger nos affaires, faire notre lit, et dire au revoir.

Alors, le train, est ce que ça aura été une expérience dingue ou non ? On est mitigés. On a trouvé ça top, il s’est passé plein de trucs rigolos, et c’est vraiment chouette de voir ce microcosme de l’intérieur. On ne regrette pas de l’avoir pris. En fait, on aurait plutôt regretté d’avoir pris l’avion. Malgré tout ça, même si ça valait le coup, on a été un poil déçu. On ne s’attendait pas non plus à une épiphanie, mais ce train ça n’aura pour autant pas été l’expérience transcendante que beaucoup décrivent.

Ca me rappelle une remarque qu’on m’avait faite avant de partir : apprendre à minimiser ses attentes. (merci frizzette). Le constat, c’est de se dire que plus on en attend de quelque chose, plus on est déçu au final. Peut être qu’on attendait trop de choses de ce train, et c’est peut être pour ça qu’on a été un peu déçu. Ou pas autant surpris qu’on l’attendait. Peut-être qu’on en savait trop à l’avance pour être vraiment surpris. Ou alors la réalité ne collait pas au fonctionnement idyllique qu’on avait imaginé. Enfin, malgré tout on a bien rigolé 🙂

Allez, maintenant il est temps de descendre du train et on va découvrir la ville d’Irkoutsk et ses alentours !

4 thoughts on “Le transsibérien

  1. Moi je ne regrette pas que vous ayez pris le Transsibérien, parce que grâce à votre récit j’ai l’impression de l’avoir emprunté avec vous, merci 🙂

  2. Super article Clément, on s’y croirait. Ça me rappelle des vieux souvenirs des trains en Chine, qui ne te sont pas étrangers non plus je crois ;).

  3. Merci ! Effectivement, le train en Chine c’est quelque chose… mais on y retourne dans quelques semaines (on vient d’avoir nos visas \o/) donc on va pouvoir voir si ça s’est amélioré

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